Seigneurs de Rivière-Ouelle

Jean-Baptiste-François Deschamps 1646-1703, seigneur de 1672 à 1703

Né en 1646 à Cliponville, archevêché de Rouen, en Normandie, Jean-Baptiste-François est le fils de Jean Deschamps, seigneur de Costecoste, de Montaubert et des Landres, et d'Élisabeth Debin.

 En juin 1671, Jean-Baptiste s'embarque sur le Saint-Jean-Baptiste « avec deux charpentiers, deux maçons, quatre manoeuvres pour défricher des terres que le Roy luy avait données jusqu'à la concurrence de mille arpents ainsi que cent hommes, cent vingt filles, cinquante moutons et brebis, dix asnes et asnesses, des draperies, des couvertures et beaucoup d'autres choses pour la vie et usage de l'homme. »  Dès son arrivée il fait bonne impression à l'intendant Jean Talon qui mentionne que « si des gens de cette qualité prennent aisément cette route, bientôt le Canada se remplira de personnes capables de le bien soutenir

L'intendant concèdera la seigneurie de la Rivière-Ouelle au nouvel arrivant le 29 octobre 1672.  Se mettant aussitôt à la tâche avec son groupe de colons, la nouvelle paroisse compte, au recensement de 1681, 11 familles totalisant 62 âmes et 132 arpents de terre en valeur.  Prenant une part active au développement de sa seigneurie, Deschamps de la Bouteillerie verra le nombre de ses censitaires augmenter à 105 âmes en 1698.  Comme l'histoire le prouvera par la suite, c'est l'un des rares hommes de son rang à se consacrer ainsi à sa seigneurie et à la développer de manière exemplaire.

Un des faits marquants de Rivière-Ouelle se situe sous son règne alors qu'à l'automne 1690, le général anglais William Phips remonte le Saint-Laurent en vue d'attaquer Québec.  Il tente un débarquement à Rivière-Ouelle.  Mais l'embuscade dans laquelle ses hommes tombent ne leur donne d'autre choix que de retourner aux navires et de continuer leur chemin vers Québec où ils n'auront guère plus de chance avec le gouverneur Frontenac.

Deschamps de la Bouteillerie avait épousé, le 24 octobre 1672, Catherine-Gertrude, fille de Nicolas Macard et de Marguerite Couillard.  Par ce mariage, auquel assistait le gouverneur de la Nouvelle-France, le comte de Frontenac,  il s'alliait aux plus vieilles familles du pays, Marguerite Couillard, veuve en premières noces de l'explorateur Jean Nicolet, étant la petite-fille de Louis Hébert, le premier colon de la Nouvelle-France.  Six enfants étaient nés de cette union dont Charles-Joseph qui sera le chanoine de la cathédrale de Québec, et Henri-Louis, sieur de Boishébert, héritier de la seigneurie.  Après le décès de Catherine-Gertrude en 1681, le seigneur épouse en secondes noces, vingt ans plus tard, Jeanne-Marguerite Chevalier, veuve de Robert Lévesque, un de ses premiers censitaires qui avait fait le voyage sur le Saint-Jean-Baptiste en même temps que lui.

Jean-Baptiste-François Deschamps de la Bouteillerie est inhumé le 16 décembre 1703 sous son banc seigneurial. Le titre de la Bouteillerie, ajouté à son nom, lui provenait de sa grand-mère paternelle, Suzanne La Bouteiller, dame de la Bouteillerie.

Références :
HUDON, Paul-Henri, Rivière-Ouelle de la Bouteillerie, 3 siècles de vie, 1972 ;
VOISINE, Nive, Dictionnaire biographique du Canada, vol. II, 1969.


Henri-Louis Deschamps 1679-1736, seigneur de 1703 à 1736

Né le 7 février 1679 à Rivière-Ouelle, Henri-Louis Deschamps de Boishébert, quatrième fils de Jean-Baptiste-François et de Catherine-Gertrude Macard, s'engage dans les troupes de la marine, à la fin des années 1690.  Bénéficiant de la confiance de ses supérieurs, il est envoyé à Michillimakinac (poste de traite français situé actuellement au Michigan, États-Unis) en 1702 afin de faire la lumière sur une traite illégale de fourrures.  Il découvre effectivement qu'en dépit des ordonnances royales la traite avec les Amérindiens se fait de façon illégale mais ses efforts afin de l'éradiquer demeurent vains faute de moyens suffisants.  Trois ans plus tard, il participe à la capture de trois navires anglais près de Boston.  En 1710, il conduit les renforts envoyés en Acadie pour repousser les attaques anglaises.  À la suite de la reddition de Port-Royal le 2 octobre de la même année, il revient au Canada.  On lui doit un relevé topographique des côtes du Labrador en 1713.  Élevé au grade de lieutenant en 1715 il s'établit à Québec l'année suivante avec le grade d'aide-major.

À partir de ce moment, il s'intéresse à l'exploitation de sa seigneurie de la Bouteillerie, héritée de son père en 1703, et essaie de la faire fructifier.  Son prédécesseur y avait déjà investi quelque 50 000 livres, mais elle ne rapportait que 900 livres par année.  Parmi les projets de développement économiques, Boishébert et Philippe Peire obtiennent du gouvernement, en 1721, les droits exclusifs de la pêche au marsouin (béluga), au large de la Bouteillerie et de Kamouraska, ainsi qu'une subvention de 400 livres par an.  Peu prospère, l'entreprise se verra retirer l'appui du gouvernement en 1732. C'est également en 1721 qu'il épouse Louise-Geneviève de Ramezay, fille du gouverneur de Montréal.  Promu capitaine en 1728, Boishébert est nommé commandant de Détroit en 1730.  Il arrivait dans une période teintée d'abus de toutes sortes que le gouvernement tenta alors de solutionner en interdisant au commandant de se livrer à la traite des fourrures.  Respectant ce nouveau règlement, les relations avec les colons de Détroit s'améliorèrent grandement et l'agriculture connu un développement sensible.  Quittant Détroit en 1734, Boishébert mourut d'une attaque d'apoplexie à Québec le 6 juin 1736.  Sa veuve mourut à l'Hôpital Général de Québec le 13 octobre 1769.

Les multiples engagements de Henri-Louis Deschamps de Boishébert ne lui ayant pas permis de demeurer dans sa seigneurie de Rivière-Ouelle, il aura des hommes de confiance sur place tels que le capitaine de milice Jean Gagnon, Jean-Baptiste Dupéré ou encore le curé Louis Duchouquet.

Le couple avait eu cinq enfants.  L'une des filles devint religieuse et les deux autres s'allièrent aux Saint-Ours Deschaillons et aux Tarieu de Lanaudière.  Le fils aîné, Claude-Louis, mourut à 8 mois. Le deuxième fils, Charles Deschamps de Boishébert et de Raffetot, suivit les traces de son père et deviendra également le seigneur de Rivière-Ouelle.

Références :
HUDON, Paul-Henri, Rivière-Ouelle de la Bouteillerie, 3 siècles de vie, 1972 ;
ZOLTVANY, Yves F., Dictionnaire biographique du Canada, vol. II, 1969.


Louise-Geneviève de Ramezay 1699-1769, seigneuresse de 1736 à 1769

Louise-Geneviève de Ramezay naît le 21 novembre 1699 à Trois-Rivières, fille de Claude de Ramezay, gouverneur du lieu, et de Marie-Charlotte Denys.  Son père, officier militaire de carrière, occupe le poste de gouverneur depuis 1690.

Quelques années plus tard, la famille s'établit à Montréal et c'est à cet endroit, le 10 décembre 1721, que Louise-Geneviève, fille de « Messire Claude de Ramezay, chevalier seigneur de La gesse, montigni, boisfleurant et autres lieux, chevalier de l'ordre militaire de St-Louis, gouverneur de la ville de Montréal et de ses dépendances, et de Dame Charlotte Denis son épouse » convole en justes noces avec « Louis Deschamps, écuyer, sieur de Boishébert, seigneur de la Bouteillerie.»  Assistent à ce mariage de nombreux dignitaires dont Jean Louis de la Corne, chevalier de l'ordre militaire de Saint-Louis, capitaine d'une compagnie de la marine et major des troupes de ce pays ainsi que Pierre Le Gardeur, seigneur de Repentigny.

Geneviève donnera cinq enfants à son mari.  Deux filles s'uniront aux familles de Saint-Ours et Tarieu de Lanaudière et une autre deviendra religieuse.  Du côté des garçons, un seul, Charles, parviendra à l'âge adulte et il prendra les rênes de la seigneurie par la suite.

Peu après son mariage, le couple va se fixer à Québec où Deschamps acquiert de nombreuses propriétés.  Après maints déplacements exigés par ses différentes fonctions, le seigneur de la Bouteillerie meurt à Québec le 7 juin 1736.  Dès ce moment, avec quatre enfants âgés entre 8 et 11 ans, sa veuve prend charge de l'administration de la seigneurie.  Afin de s'assurer une certaine sécurité financière elle adresse un placet au comte de Maurepas et, rappelant les états de service de son mari récemment décédé, elle demande une pension pour l'aider à subvenir aux besoins de sa famille.  Elle aimerait également que son fils Charles obtienne le grade d'enseigne en second.  Voulant augmenter ses revenus, elle se fait concéder pour dix ans, par Beauharnois et Hocquart, respectivement gouverneur et intendant de la Nouvelle-France, un terrain sur la côte du Labrador pour y faire la pêche au loup-marin.

Bien qu'elle ne soit pas physiquement très présente dans la seigneurie, elle y effectue des transactions au cours des ans telles que son implication dans la pêche à marsouins (bélugas), la vente du droit de bac sur la rivière à Jean Florence, la jouissance du moulin seigneurial à Jean-Baptiste Bonenfant.  Ici aussi des procureurs, comme Ovide Kervezo et Pierre Mailloux, agiront en son nom.

En 1765, la seigneurie est mise en vente, Louise-Geneviève, Charles ainsi que ses filles Geneviève et Charlotte y détenant des parts. « Ceux qui voudront acquérir les dits lieux pourront s'adresser à Mr. Perrault, chargé de la procuration du sieur de Boishébert, ou à Mme de Boishébert, qui veut vendre aussi ses droits avec le dit sieur de concert, et toute la susdite seigneurie à un prix raisonnable. »  Louise-Geneviève s'était retirée à l'Hôpital-Général de Québec où avait oeuvré sa fille (soeur Sainte-Geneviève) ainsi qu'une de ses soeurs (mère Saint-Claude).  Elle mourut le 13 octobre 1769, et fut inhumée dans l'église de l'Hôpital-Général.

Références :
http://bd.archivescanadafrance.org : Fonds du secrétariat d'État à la Marine et aux Colonies, Fonds du Dépôt des papiers publics des colonies ;
HUDON, Paul-Henri, Rivière-Ouelle de la Bouteillerie, 3 siècles de vie, 1972 ;
ROY, P.G., La famille de Ramezay, 1901.


Charles Deschamps 1727-1787, seigneur de 1769 à 1774

Baptisé le 13 février 1727, Charles Deschamps de Boishébert, fils du seigneur Henri-Louis Deschamps et de Charlotte-Élisabeth de Ramezay, a pour parrain Charles, marquis de Beauharnois, gouverneur et lieutenant-général pour le roi en Nouvelle-France  et pour marraine Marie-Madeleine Lefouyn, épouse de Claude-Thomas Dupuy, intendant du pays.  Devenu orphelin de père à l'âge de 9 ans, la seigneurie de son père est alors prise en charge par sa mère.

Très tôt, Charles suit la tradition militaire familiale.  Apparaissant dans une liste de cadets à l'aiguillette le 1er octobre 1739, il est qualifié de « jeune homme qui promet beaucoup, fort sage. »  Sous-aide-major en 1742, il participe ensuite à des expéditions aux environs de la colonie anglaise de New York.

En juin 1746, il fait partie du corps d'armée de 700 hommes dépêchés en Acadie pour assurer la défense des lieux.  Il est blessé au cours de la bataille du 11 février 1747 et retourne alors à Québec.  En août de la même année, il commande un navire en partance pour Gaspé afin de procéder à un échange de prisonniers avec les Britanniques.  Promu lieutenant en 1748, Boishébert se retrouve à Détroit, sous la menace d'un soulèvement amérindien.  De nouveau en Acadie l'année suivante il a pour mission de faire échec aux tentatives d'établissement de la part des Britanniques à l'embouchure de la rivière Saint-Jean.  Après maintes missions un peu partout sur le continent, il gravit régulièrement l'échelle hiérarchique militaire : capitaine en 1756, il est fait Chevalier de Saint-Louis en 1758.  Il prend une part active dans les conflits de plus en plus fréquents en Acadie.  La chute de Louisbourg aux mains des Anglais ainsi que la reddition du Canada en 1760 amènent finalement Boishébert à passer en France.

Accusé d'avoir été mêlé aux complots de l'intendant Bigot, il est acquitté après 15 mois d'incarcération.

Demeurant en France, il épouse à Cliponville, dans le département actuel de la Seine-Maritime, sa cousine Charlotte-Élisabeth-Antoinette Deschamps de Boishébert et de Raffetot, le 7 septembre 1760.  De cette union naquit un fils.

En 1763, Boishébert participe à l'effort d'établissement d'Acadiens à Cayenne (Guyane française).  En 1774, sa requête pour un poste d'inspecteur des troupes des colonies est rejetée.  Sa seigneurie canadienne de La Bouteillerie, aussi connue sous le nom de Rivière-Ouelle, est vendue cette année-là.  L'auteur Paul-Henri Hudon mentionne que si le père de Charles ne fut pas très souvent dans sa seigneurie, il semble que celui-ci n'y mit jamais les pieds.  Les concessions faites entre 1744 et 1769 ont été effectuées par sa mère et il semble qu'il n'y ait eu aucune concession faite entre 1769 et 1774.

Après son départ en France, Charles Deschamps de Boishébert ne revint jamais en Nouvelle-France et décéda à Raffetot, localité située près de Rouen, le 9 janvier 1797 après avoir connu un dernier conflit, la Révolution française.

 

Références :
HUDON, Paul-Henri, Rivière-Ouelle de la Bouteillerie, 3 siècles de vie, 1972 ;
LeBLANC, Phyllis E., Dictionnaire biographique du Canada, vol. IV, 1980 ;
Révérend Père Le Jeune, Dictionnaire général du Canada.

Illustration : « Charles Deschamps de Boishébert », vers 1753, Musée McCord


Guillaume-Michel Perrault 1726-1790, seigneur de 1774 à 1790

Guillaume-Michel Perrault naît le 23 janvier 1726 à Québec, du mariage de François Perrault, marchand, et de Suzanne Pagé. François était de la première génération en Nouvelle-France, son père exerçant le métier de chirurgien dans la ville de Cosme sur Loire, dans le diocèse d'Auxerre en France.

Guillaume-Michel est qualifié de négociant et d'armateur lorsqu'il est pris en mer avec son vaisseau par les Anglais pendant la guerre de la Conquête.  Ruiné, on le retrouve à La Rochelle d'où il part pour Port-Dauphin, dans l'île de Saint-Domingue afin de refaire fortune.  Son succès financier lui permet d'acquérir la seigneurie de la Bouteillerie.  Par l'entremise de son frère Jacques, qui agit comme procureur, Guillaume-Michel acquiert les 2/3 de la seigneurie du seigneur de Boishébert et l'autre tiers en partie de Charles Tarieu de Lanaudière, beau-frère du seigneur de Boishébert, et en partie de Louis Deschamps.  Cet acte est conservé dans le greffe du notaire Panet, en date du 9 mars 1774.  Le montant total de la transaction s'élève à 36 000 livres.

Propriétaire d'une plantation à la Nouvelle-Orléans, le nouveau seigneur ne semble pas avoir foulé le sol de Rivière-Ouelle.  Mais il n'en demeure pas moins que la seigneurie ait connu un certain développement.  En étudiant les greffes de notaires, en particulier Louis Cazes, nous constatons que plusieurs concessions seront accordées pendant la période de 1780 à 1791.

Célibataire, Guillaume-Michel recueille son neveu, Jean-Baptiste Perrault, après que celui-ci ait fait naufrage avec ses frères et soeurs en allant rejoindre leur père qui faisait négoce à ce moment à la Nouvelle-Orléans.  Ayant remarqué d'excellentes aptitudes intellectuelles chez cet enfant de 10 ans, il se chargea de son éducation et l'envoya parfaire son instruction à La Rochelle.  Fin lettré lui-même, l'auteur Philippe-Baby Casgrain mentionne qu'à la lecture de ses lettres, on constate que Guillaume-Michel avait reçu une bonne éducation et une excellente instruction.  D'un jugement sain, il écrivait dans un style simple, facile et clair avec une calligraphie parfaite.  Le 21 mars 1788, un feu se déclare dans la ville et, en à peine deux heures, une bonne partie de celle-ci est détruite.  Témoin privilégié de l'événement il écrit à ce sujet le mois suivant : « Je n'ai eu que l'instant de me sauver de ma maison et d'y faire enlever la pauvre Madame [Duminy?] de son lit, attaquée depuis six mois d'une dysenterie gangreneuse et mortelle. »

La seigneurie ne semble pas des plus prospères sous son règne car il écrit dans cette même lettre, adressée Charlotte Boucher de Boucherville, veuve de son frère Jacques, que les revenus de la seigneurie « n'ont pas pu donner à peine la vie ni même un logement sur cette terre ingrate à mon infortuné frère sans que vous n'y ayez ajouté de vos générosités. »

À son décès, le 12 juin 1790, il lègue la seigneurie à son neveu Jacques-Nicolas Perrault et l'usufruit à la mère de celui-ci, Charlotte de Boucherville.  Parmi les autres détails de son testament, déposé au greffe du notaire Lelièvre à Québec, se trouvent divers autres legs à sa famille ainsi que l'émancipation de ses esclaves.

Références :
 « Lettre de Guillaume-Michel Perrault », 30 avril 1788,  http://louisdl.louislibraries.org/cdm/compoundobject/collection/LSU_SCE/id/262 ;
http://socialarchive.iath.virginia.edu:8888/xtf/view?docId=ark:/99166/w6qr9580 ;
CASGRAIN, Philippe-Baby, La vie de Joseph-François Perrault, 1898 ;
Id., Mémorial des familles  Casgrain, Baby et Perrault du Canada, 1898-9 ;
HUDON, Paul-Henri, Rivière-Ouelle de la Bouteillerie, 3 siècles de vie, 1972.

 

Jacques-Nicolas Perrault 1750-1812, seigneur de 1790 à 1812

Né le 6 août 1750 à Québec, fils de Jacques Perrault, négociant prospère, et de Charlotte Boucher de Boucherville, Jacques-Nicolas Perrault épouse, le 23 novembre 1779, à Québec, Marie-Anne Amiot, fille du riche négociant Jean-Baptiste Amiot et de Louise Bazin.  Cette union sera de courte durée, la jeune épouse étant inhumée le 20 avril 1782 dans la cathédrale de Québec.

Perrault se consacrant à ses affaires, il occupe, à partir de 1784, le poste de secrétaire du comité canadien de Québec, l'un des deux comités formés alors par les marchands de cette ville.  En juin 1790, son oncle Guillaume-Michel Perrault lui lègue la seigneurie de la Bouteillerie, appelée aussi Rivière-Ouelle, dont l'usufruit appartiendra toutefois à sa mère.

Le décès de celle-ci en 1792 permet à Perrault d'entrer en possession complète de la seigneurie et marque un tournant décisif dans sa carrière.  Il occupe alors le grade de capitaine dans la milice de la ville de Québec et détient une commission de juge de paix depuis au moins un an.  En décembre 1792, La Gazette de Québec annonce la vente par licitation de la « Grande et Belle Maison de feue Madame Perrault dans la Basse Ville », puis le 10 janvier 1793, à Rivière-Ouelle, Perrault épouse Thérèse-Esther Hausman dit Ménager, veuve de Pierre Florence, riche marchand de l'endroit.

Perrault s'établit alors à Rivière-Ouelle, devenant le premier seigneur à résider en permanence dans la seigneurie depuis 90 ans.  Cependant, il ne tire que de modestes revenus de la seigneurie; seule la vente du blé et des produits de la pêche au béluga permet de vivoter.  Ce sera grâce à la dot de son épouse que Perrault peut aménager un manoir seigneurial, qui est en fait l'ancienne résidence restaurée des Florence, et s'assurer les services constants d'un domestique et d'une servante.  Le nouveau seigneur s'intéresse à la mise en valeur de sa seigneurie : il acquiert un terrain sur lequel se trouvent une scierie, un moulin à orge et une forge, puis fait construire un quai, réparer les moulins et exploiter son érablière. Perrault gagne aussi la sympathie de ses concitoyens en se mêlant aux activités paroissiales, tel l'aménagement du couvent en 1809.

Amateur de littérature, il possède une bibliothèque bien remplie d'environ 300 volumes : traités de droit, livres d'histoire, oeuvres littéraires de toute sorte, même celles de Voltaire qui, à cette époque, est à l'index.  Il sert dans la milice locale, d'abord comme lieutenant-colonel puis, après 1801, comme colonel.  Il continue à exercer les fonctions de juge de paix du district de Québec et de 1804 à 1808, il représente la circonscription de Cornwallis à la chambre d'Assemblée du Bas-Canada.  En janvier 1812 il est nommé conseiller législatif.

Le 7 août suivant, après quelques jours de maladie seulement, il est trouvé mort dans sa baignoire.  Trois jours plus tard, il est inhumé dans l'église paroissiale de Rivière-Ouelle par Mgr Bernard-Claude Panet.  La Gazette de Québec rapporte que « le concours nombreux des personnes de distinction et des habitants, tant de cette paroisse que des paroisses circonvoisines, qui ont assisté à ses funérailles, est un témoignage de l'estime dont il jouissait et des regrets qu'il emporte avec lui.»  Son fils unique s'étant noyé en 1797, la seigneurie passe alors à ses frères : Pierre, Michel et Jean-Olivier.

 

Références :
CASGRAIN, Philippe-Baby, « Jacques-Nicolas Perrault », Mémorial des familles  Casgrain, Baby et Perrault du Canada, 1898-9 ;
HUDON, Paul-Henri, Rivière-Ouelle de la Bouteillerie, 3 siècles de vie, 1972 ;
MATTEAU, Pierre, Dictionnaire biographique du Canada, vol. V, 1983.

  


Pierre 1756-1818, Michel 1758-1840 et Olivier Perrault 1773-1827, seigneurs de 1812 à 1815

 Issus d'une famille nombreuse et bien en vue, Pierre, Michel et Olivier Perrault héritent de la seigneurie de la Rivière-Ouelle au décès de leur frère Jacques-Nicolas en 1812, mort sans laisser d'enfant.

Le plus vieux des trois, Pierre, est né en 1756 à Québec.  Marié en 1779 en ce même lieu avec Marie-Josephte Perras, il est qualifié de négociant.  Interdit pour démence, Mgr Henri Têtu, dans son volume sur les familles Têtu, Bonenfant, Dionne et Perrault, mentionne qu'il fut recueilli à Rivière-Ouelle et mourut au manoir seigneurial.  Pierre est plutôt décédé à l'Ancienne-Lorette le 26 août 1818 et est inhumé deux jours plus tard en présence de son beau-frère, le notaire Charles Voyer.  Lors de la lecture de la requête de ce dernier afin de priver son beau-frère de sa liberté pendant ses accès de folie, on apprend «qu'il n'est plus possible de le tenir en pension où il a été mis à plusieurs reprises. »  Quant à elle, sa veuve est décédée 29 mars 1825 à Montréal.  Le couple n'a pas laissé de postérité.

Michel, né en 1758 à Québec, sera marchand à Montmagny puis instituteur à Cap-Saint-Ignace.  Son premier mariage est célébré en 1785 à Saint-Thomas de Montmagny avec Marie-Angélique D'Amours des Plaines et le second en 1802 à Cap-Saint-Ignace avec Marie Gaudier dit Balan.  De taille moyenne et de goûts modestes, il fit la classe jusqu'en 1824.  Des problèmes de santé l'obligeant à laisser son travail, l'état de ses finances fut facilité par la pension que lui versait une de ses filles, Catherine, épouse du seigneur de Kamouraska, Amable Dionne.  Atteint de paralysie en 1835, il mourut à Cap-Saint-Ignace le 21 mars 1840.

Le plus jeune des frères, Jean-Baptiste-Olivier, est né en 1773 à Québec.  Profitant d'une excellente instruction, il obtient sa commission d'avocat le 1er octobre 1799.  Avocat-général du Bas-Canada en 1808, il est nommé au Conseil exécutif puis juge de la Cour du Banc du roi pour le district de Québec en 1812.  Il avait épousé à Sainte-Marie de Beauce, en 1804, Marie-Louise Taschereau, fille du juge Gabriel-Elzéar Taschereau.  Il décède à Québec le 19 mars 1827.  On a dit de lui que « sa vie était exemplaire et rappelait les anciens modèles de la magistrature française.  Il vivait simplement, conservant des habitudes rangées et d'économie qu'il avait apprises du bon vieux temps, dans sa famille, et qu'on avait pas honte alors de mettre en pratique.

N'étant probablement jamais venus à Rivière-Ouelle, ce seront ces trois frères qui détiendront la seigneurie pendant une courte période car à partir de 1813 le marchand Pierre Casgrain de Rivière-Ouelle fait l'achat de certaines parts et en devient l'unique détenteur en 1815.

Références :
CASGRAIN, Philippe-Baby, La vie de Joseph-François Perrault, 1898 ;
Id., Mémorial des familles  Casgrain, Baby et Perrault du Canada, 1898-9 ;
HUDON, Paul-Henri, Rivière-Ouelle de la Bouteillerie, 3 siècles de vie, 1972 ;
« Requête de Charles Voyer afin de priver Pierre Perrault de sa liberté pendant ses excès de folie », Tutelles et curatelles, 21 avril 1818.

Illustration : « Le juge Jean-Baptiste-Olivier Perrault », Les juges de la province de Québec, 1933


Pierre Casgrain 1771-1828, seigneur de 1815 à 1828


Jeune adolescent, Pierre Casgrain s'engage au service d'un marchand de fourrures faisant la traite dans le Nord-Ouest.  Exerçant ensuite le métier de marchand ambulant, il s'installe à Rivière-Ouelle où il épouse, le 27 juillet 1790, Marie-Marguerite Bonenfant, fille du marchand Jean-Baptiste Bonenfant.  Homme d'affaires prospère, il s'intéresse également aux pêcheries et achète, en 1802, une pêche dans la seigneurie Saint-Denis-de-la-Bouteillerie.  Également, il met sur pied, avec le marchand et seigneur de Kamouraska, Amable Dionne, la société Casgrain et Dionne, faisant le commerce des marchandises sèches et liquides.  En 1799, il obtient une commission de juge de paix pour le district de Québec.

Entre 1812 et 1815, il achète successivement les parts de la seigneurie de la Rivière-Ouelle aux frères Pierre, Michel et Olivier Perrault pour une somme de 12 000 livres.  Sa fortune augmente grâce aux revenus seigneuriaux, jumelés à la location des moulins à farine et à scier, des pêcheries (saumon et marsouin), du bac de la rivière Ouelle et de la terre du domaine.  Marque supplémentaire de prospérité, le seigneur compte à son service plusieurs domestiques dont un maître d'hôtel, un chef cuisinier, un aide-cuisinier et une pâtissière.  C'est également en 1812 qu'il s'enrôle comme aide-major dans le bataillon de milice de Rivière-Ouelle.

En février 1817, le seigneur obtient le droit exclusif d'exploiter un pont-levis à péage sur la rivière Ouelle jusqu'en 1867.  Les habitants, obligés alors de payer un droit de passage, veulent ériger un pont de fortune sur la rivière en 1823 mais des menaces de les traîner en justice de la part de Casgrain font avorter le projet.

Une autre société commerciale voit le jour en 1821 avec son fils Pierre-Thomas où il investit 1 500 livres, les profits étant partagés également entre les deux hommes.  Cette société sera en activité pendant cinq ans.

Pierre Casgrain et Marie-Marguerite Bonenfant eurent 13 enfants dont 6 atteignirent l'âge adulte. Chacune des filles fit un mariage avantageux, apportant en dot une somme de 1 000 livres.  Marie-Sophie épousa le notaire François Letellier de Saint-Just, Luce l'avocat Philippe Panet et Marie-Justine le docteur Charles Butler Maguire.

Marguerite Bonenfant décède en 1825 et Pierre le 17 novembre 1828 chez sa fille Marie-Sophie.  Il est inhumé quatre jours plus tard sous le banc seigneurial dans l'église de Rivière-Ouelle.  Chacune des filles reçut en héritage 1 500 livres en plus des actions détenues par leur père dans les pêcheries de marsouin (béluga). Pierre-Thomas, le fils aîné, reçut la seigneurie de la Rivière-Ouelle, quelques terrains et le magasin.  Pour sa part, Olivier-Eugène obtint la partie de la seigneurie de L'Islet que son père avait achetée en 1815.  Charles-Eusèbe, quant à lui, reçut des terres, des rentes et une propriété à Québec.

Références :
CASGRAIN, Philippe-Baby, Mémorial des familles  Casgrain, Baby et Perrault du Canada, 1898-9 ; GAGNON, Serge, Dictionnaire biographique du Canada, vol. VI, 1987 ;
HUDON, Paul-Henri, Rivière-Ouelle de la Bouteillerie, 3 siècles de vie, 1972.


Pierre-Thomas Casgrain 1797-1863, seigneur de 1828 à 1861

Pierre-Thomas Casgrain naît le 19 septembre 1797 à Rivière-Ouelle.  Mgr Henri Têtu (1849-1915) note dans un de ses écrits qu'il  « ne fait pas d'études classiques, car il n'aimait pas les livres; mais il était fort intelligent, avait beaucoup d'esprit et s'occupa surtout de mécanique, de ponts et chaussées et de moulins. »  Le 6 octobre 1818, alors capitaine de milice, il épouse Émilie Truillier-Lacombe, fille de François Truillier-Lacombe, marchand au Lac des Deux-Montagnes, et de Geneviève Adhémar.

Marchand comme son père, il établit un commerce en société avec Charles Têtu à qui il vend la maison que son père lui avait fait construire pour aller demeurer dans le manoir où il décédera.  Débutée en 1828, la construction de cette somptueuse demeure fut terminée en 1832.  Cet édifice de 72 pieds par 25 était imposant.  Les planches de pin qui servirent pour sa construction provenaient de ses moulins et c'était « la plus belle qualité de pin, de ce beau pin jaune d'alors, pas un noeud dans les planches, qui avaient servi aux boiseries, aux plafonds. »  C'est la résidence connue sous le nom de manoir Casgrain et sise au 100, de la rue Casgrain.

En bon seigneur, Pierre-Thomas savait recevoir, l'abbé Alphonse Casgrain se remémorant la présence d'étrangers à la table de la cuisine formant une tablée allant jusqu'à 25 personnes.  Plusieurs de ces personnes étaient des « gens du Lac », localité qui allait devenir la municipalité de Saint-Pacôme.  Il n'est pas sans se rappeler également les boucheries d'automne où l'on saignait jusqu'à 20 porcs dont quelques morceaux allaient régaler les voisins.

Autre signe de la prospérité de Casgrain, il aurait possédé les meilleurs chevaux de la région.  Il existe plusieurs anecdotes sur un de ceux-ci, le fameux Buck, qu'il avait acheté du transporteur de la malle André Roussel.  Alors que le trajet de Québec à la route du Témiscouata prend normalement deux jours, Buck effectue ce chemin en un jour et une nuit régulièrement pendant dix ans avant de mourir de séquelles subies après une chute dans l'eau glacée. 

Lorsqu'il devint seigneur, Casgrain abandonna le négoce et retourna à sa passion première, la visite de ses moulins.  À ce sujet le moulin Casgrain-Lévesque de Saint-Pacôme, cité monument historique aujourd'hui, a été construit à la demande de Pierre-Thomas Casgrain en 1840.  Pour concevoir ce moulin, il a fait appel aux services de l'ingénieur Édouard Ennis de Saint-Pascal, constructeur réputé de moulins dans la région.

Parmi ses enfants se trouve le curé Alphonse, héritier de la seigneurie en 1861.  En 1854, l'abolition du régime seigneurial fait que les droits et devoirs des seigneurs et des censitaires n'ont plus cours.  Les censitaires peuvent maintenant racheter leurs terres au seigneur ou payer une location et les seigneurs obtiennent un dédommagement pour les droits perdus.  C'était la fin d'une époque.

Références :
CASGRAIN, Philippe-Baby, Mémorial des familles  Casgrain, Baby et Perrault du Canada, 1898-9 ; HUDON, Paul-Henri, Rivière-Ouelle de la Bouteillerie, 3 siècles de vie, 1972.